Figueres, le 12 Juillet 2011
Le Tribunal de Grande Instance de Paris a donné gain de cause à la Fundació Gala-Salvador Dalí et reconnaît que l’État espagnol est le seul titulaire du droit de participation sur la vente des œuvres de Salvador Dalí, et que la Fundació Dalí et la bénéficiaire de ce droit.
La Fundació Dalí veut exprimer sa satisfaction à cause de la transcendance de cette sentence parce qu’elle ne représente pas seulement une démarche importante dans la défense et protection des droits de Salvador Dalí, mais elle fait aussi jurisprudence.
Le Tribunal de Grande Instance (TGI) de Paris a tranché en faveur de la Fundació Dalí et de VEGAP (société espagnole de gestion collective des droits des droits d’auteur des artistes plastiques) dans l’affaire qui opposait ces dernières à l’ADAGP (sa correspondante en France). Dans un jugement rendu le vendredi 8 juillet dernier, le TGI de Paris a déclaré que la loi espagnole était la loi applicable aux fins de déterminer la personne titulaire du droit de participation sur les œuvres d’art de Salvador Dalí. Dans ce sens, il a reconnu que la Fundació Dalí, en tant que gérante et administratrice des droits d’auteur de Salvador Dalí par délégation de l’État espagnol (héritier testamentaire de l’artiste), était la bénéficiaire du droit de participation résultant des reventes des œuvres de Salvador Dalí.
En 2006, la Fundació Dalí avait entamé des poursuites judiciaires à Paris, à l’encontre de l’ADAGP, en réclamation du droit de participation obtenu des ventes aux enchères publiques des œuvres de Salvador Dalí. Le droit de participation est le droit qu’ont les auteurs et leurs héritiers de percevoir du vendeur une part du prix de toute revente de leurs œuvres aux enchères publiques, dans un établissement commercial ou par l’intermédiaire d’un commerçant ou d’un agent commercial.
Dans sa requête, la Fundació Dalí alléguait que le droit de participation fait partie des biens qui composent l’héritage de Salvador Dalí et que la détermination du bénéficiaire de ce droit était une question de droit des successions ; dans ce sens, que le droit applicable était celui auquel l’héritage de cet artiste était soumis, c’est-à-dire le droit espagnol, qui admet la transmission du droit de participation pour cause de mort à toute personne physique ou morale ; dans ce sens, elle affirmait que l’État espagnol était le seul héritier de Salvador Dalí, le seul propriétaire du droit de participation et la personne à laquelle il appartenait de percevoir ledit droit, à travers la Fundació Dalí, en tant que mandataire exclusive chargé de la gestion et de l’administration des droits d’auteur de Salvador Dalí. La famille éloignée de l’artiste a été appelée à la procédure par l’ADAGP, mais elle a décidé ne pas comparaître. Elle doit quand-même accomplir cette décision.
Avant de statuer, le Tribunal de Grande Instance de Paris a posé deux questions préjudicielles à la Cour de Justice des Communautés européennes. Ainsi, quant à la question principale, le TGI demandait s’il était possible à la France de maintenir un droit de participation uniquement réservé aux héritiers légaux, à l’exclusion des héritiers testamentaires, suite à la Directive 2001/84/CE.
Le 15 avril 2010, la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) répondait par la positive en disant que la Directive ne s’opposait pas à une disposition de droit interne français réservant le bénéfice du droit de participation aux héritiers légaux, à l’exclusion des légataires testamentaires. La CJCE a néanmoins reconnu, de manière implicite, que la législation française interne relative aux bénéficiaires du droit de participation n’était pas applicable aux successions d’artistes étrangers, qui restaient soumises au droit des successions de leur propre pays, comme l’a reconnu la législation internationale qui règle la question ; l’article 14.ter de la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques est donc applicable.
Dans sa décision, le Tribunal de Grande Instance de Paris expose précisément cet argument et déclare que le droit de participation existe déjà à l’ouverture de la succession et que, par conséquent, c’est eu égard au droit national applicable à la succession que les propriétaires de ce droit doivent être déterminés.
Ainsi, le Tribunal a déclaré qu’en application des dispositions prévues à l’article 14.ter de la Convention de Berne, le seul propriétaire du droit de participation sur les œuvres de Salvador Dalí est l’État espagnol, et condamne donc l’ADAGP à liquider ce droit à la Fundació Dalí en tant que cessionnaire de ce dernier.
De façon concrète, dans sa décision, le TGI condamne l’ADAGP à : (1) communiquer à la Fundació Dalí et à VEGAP l’ensemble des informations et des pièces justificatives se rapportant aux sommes perçues et, le cas échéant, payées au titre du droit de participation, depuis le 17 octobre 1997 (date d’adhésion de la Fundació Dalí à la VEGAP et à l’ADAGP) ; (2) verser à VEGAP, pour le compte de la Fundació Dalí, les sommes qu’elle aurait perçues au titre du droit de participation depuis le 17 octobre 1997, majorées des intérêts correspondants courus depuis l’assignation ; et (3) payer les honoraires des avocats de la Fundació Dalí et de VEGAP ainsi qu’à leur verser la somme globale de 10 000.- euros à titre de dommages et intérêts.
Sous réserve de l’appel qui pourrait être interjeté, le tribunal a ordonné l’exécution provisoire de la décision.
Cette décision revêt une double importance : d’une part, elle reconnaît en faveur de l’État espagnol la propriété du droit de participation sur les œuvres de Salvador Dalí ; droit qui crée des revenus que l’ADAGP a liquidé à des membres de la famille de Salvador Dalí que ce dernier n’a pas mentionné dans son testament, puisqu’il a institué l’État espagnol comme son héritier universel ; d’autre part, elle reconnaît l’application en France du droit espagnol à la succession d’un artiste espagnol. Ce point va au-delà de la question posée par la Fundació Dalí puisque toute déclaration contraire du Tribunal de Grande Instance de Paris serait revenue à reconnaître que la législation interne d’un pays peut modifier non seulement le droit des successions d’un autre pays, mais aussi la volonté testamentaire de toute personne.