Figueres, le 27 Août 2010
La Fundació Gala-Salvador Dalí a présenté sa dernière acquisition d’œuvre de l’artiste : une peinture à la détrempe sur carton intitulée Les foires de Figueres, qui avait déjà été exposée au Théâtre-musée Dalí en qualité de prêt temporaire depuis 1992 et qui a été acquise auprès de son propriétaire. La peinture vient d’arriver de Paris, où elle faisait partie de l’exposition Dreamlands, au Centre Pompidou de la capitale française.
Elle sera exposée dans la salle des Poissonneries du Théâtre-musée à partir du lundi 30 août.
Voire photos de la presentation sur Flickr de la Fondation Dalí.
Contexte de l’œuvre
Si l’on examine le monde qui entoure le jeune Dalí, on constate que le paysage, celui de Cadaqués, mais aussi celui de Figueres et des environs, ainsi que les festivités célébrées dans les deux localités, sont des thèmes récurrents, entre autres, au début des années vingt. Les foires, et notamment celles de Figueres, fascinaient le jeune Dalí, qui pouvait les vivre et les voir de très près, depuis les fenêtres de l’appartement familial qui donnait sur la place de la Palmera, où se déroulaient ces manifestations. Les foires de Figueres avaient lieu autour du 3 mai, date de la fête de la Santa Creu. L’année où Dalí peint cette détrempe est également celle de l’exposition des artistes de l’Empordà au Casino Menestral, qui se tient à l’occasion de l’inauguration de la Bibliothèque populaire de Figueres. La première œuvre du peintre que l’on trouve au catalogue, La foire, pourrait bien être celle que nous présentons aujourd’hui, encore que, plusieurs de ses peintures ayant cette même thématique, il soit bien difficile de l’affirmer avec certitude.
L’intérêt que le jeune peintre porte à sa ville s’explique sûrement tout autant par l’admiration qu’il voue à son père, qui participe activement à la vie sociale et culturelle de la ville, que par ses propres passions. Au collège, par exemple, il collabore avec la revue Studium qui, de janvier à juin 1919, publie un groupe d’étudiants et d’amis du Lycée de Figueres, et il participe à ce qui sera sa première exposition officielle, la même année, lors d’un événement ayant pour cadre les salons de la Société des concerts du Théâtre municipal de Figueres.
Il n’est guère surprenant, donc, qu’en 1921, après avoir conçu avec Joan Subias un carrosse pour le défilé des Rois de sa ville natale, on lui passe commande de deux affiches pour les Foires de la Santa Creu. Seuls quelques rares exemplaires de la première, qui représente les géants de la ville, ont été conservés. La seconde, une détrempe intitulée Foires et Fêtes de la Santa Creu, se trouve au Salvador Dalí Museum de Saint Petersburg (Floride). Ces deux affiches ont à l’époque un certain retentissement dans la ville, comme en témoigne un article consacré alors à Salvador Dalí Domènech ; elles rompent en effet avec l’esthétique plus réaliste des années précédentes. Un an plus tard, Dalí réalisera la détrempe que nous présentons aujourd’hui, Les foires de Figueres, qui sera utilisée pour illustrer une brochure contenant le programme des foires.
Le thème des foires n’est toutefois pas un hasard. Dalí entame sa carrière en quête de modernité, et il le fait au travers de thèmes (la foule, les loisirs, la ville) qui, par le fait même de les soulever, lui servent de déclencheur pour accéder à un nouveau langage. L’utilisation de techniques picturales comme la détrempe ou, vraisemblablement aussi, le gouache (comme c’est le cas de l’œuvre illustrant un autre des programmes des foires de 1922) et la simplification de la représentation lui permettent, à partir des thèmes choisis, de découvrir un langage moderne.
La peinture que nous présentons ici est un excellent exemple de cette découverte. Les gens qui se promènent dans le lacis de la fête sont représentés par les couleurs vives et les traits schématiques propres à une affiche publicitaire, un genre de travail que Dalí, on l’a vu, allait exécuter plus d’une fois. Dans ces œuvres, Dalí est clairement influencé par les courants du noucentisme catalan et réalise une série d’estampes populaires et festives, recourant à la détrempe, ce qui rappelle Xavier Nogués, ou imitant la structure et les couleurs de Joaquim Sunyer. On y voit des footballeurs, des toreros, des clowns, des gitans, des géants, l’univers du cirque, des carrousels, des jeunes filles en robes éclatantes se cachant derrière un éventail, les garçons qui les poursuivent, des « messieurs » de Figueres vêtus pour le spectacle, etc. Pour reprendre les mots du peintre lui-même, se souvenant des foires depuis Madrid : « Mais peu à peu toute la place se mue en une grande bannière, composée de bannières plus petites, et vient un jour où toute la place se transforme en immense boîte à musique ! Tous les balcons se sont ouverts pour l’écouter. La foire est un grand bazar vivant. »